Alexandra LAPIERRE
Biographie
Edition Flammarion , décembre 2020
« New York, dans les années 1900. Une jeune fille, que passionnent les livres rares, se joue du destin et gravit tous les échelons. Elle devient la directrice de la fabuleuse bibliothèque du magnat J.P. Morgan et la coqueluche de l’aristocratie internationale, sous le faux nom de Belle da Costa Greene. Belle Greene pour les intimes. En vérité, elle triche sur tout. Car la flamboyante collectionneuse qui fait tourner les têtes et règne sur le monde des bibliophiles cache un terrible secret, dans une Amérique violemment raciste. Bien qu’elle paraisse blanche, elle est en réalité afro-américaine. Et, de surcroît, fille d’un célèbre activiste noir qui voit sa volonté de cacher ses origines comme une trahison. »
A la lecture de ce résumé j’ai décidé de me laisser séduire par ce roman présentant la vie d’une femme passionnée au destin incroyable !
« Elle savait exactement ce qu’elle voulait faire. Travailler parmi les livres.
Depuis l’âge de douze ans, elle répétait qu’elle aimait les regarder, les toucher, et aussi les respirer… Qu’elle ressentait l’âme des livres…Qu’elle percevait ce qu’ils exhalaient de rêves, d’émotions et de beauté.
Il était inutile pour elle de suivre des cours de couture ou de secrétariat, comme les autres jeunes filles qui attendaient de se marier. Au contraire de ses camarades, elle ne voulait convoler à aucun prix. Les livres valaient tous les maris du monde ».
Mon avis :
Ce roman est captivant , néanmoins force est de constater que l’on découvre la triste réalité historique à travers la loi du « one drop » , qui jusque dans les années 60 stipulait qu’une seule goutte de sang noir suffisait à considérer quiconque legally black .
Nous ne sommes pas ici pour juger mais l’on peut comprendre que certains aient tenté d’y échapper pour jouir d’un avenir différent , car effectivement à cette époque passer de l’autre coté conférait des privilèges , un cadre de vie offrant davantage de possibilités car l’existence était difficile pour la communauté afro-américaine.
L’autrice nous fait entrer dans l’univers du passing autrement quand des Noirs se faisaient passer pour Blancs au début du XXe siècle et à quel point ce n’était pas sans risque.
Ainsi, Alexandra Lapierre à la manière un peu romancée arrive à nous faire passer ce message fort sans jugement , on y découvre des destins , des faits véridiques.
De même on y découvre des photographies de Belle Greene et de certains personnages afin de mettre des visages sur des noms présents au sein du roman.
Le sujet est maitrisé par l’autrice , c’est un long travail de trois ans de recherches notamment pour parler d’arts, de livres, des oeuvres rares qui passionnent Belle Greene .
De plus , l’autrice a puisé dans la correspondance de l’héroïne afin de plonger le lecteur dans des faits anecdotiques afin que soyons les intimes de Belle Greene ce qui procure au lecteur une alternance entre les faits historiques et la fiction.
En outre, même si il s’agit d’une biographie romancée, l’autrice a su mettre en lumière la personnalité de Belle.
C’est une jeune femme passionnée, personnage hors norme qui dès son plus jeune âge est déterminée et dotée d’une force de caractère impressionnante.
Elle est lucide et se rend compte des difficultés que rencontrent les noirs américains et très tôt décide de se livrer au pasing car elle rejette cette société inégalitaire .
Elle a des rêves et désire étudier, elle rêve de savoir , des livres , elle rêve de côtoyer l’élite , les musées et les bibliothèques majestueuses.
C’est une femme audacieuse, sensuelle, intrépide qui décide de vivre comme elle l’entend avec courage ce qui force l’admiration.
Mais Belle da Costa Greene doit sa réussite à son travail acharnée, sa détermination et sa soif d’apprendre à tout prix , Alexandra Lapierre a su mettre en exergue une force de travail importante, elle respire livre, elle dort livre elle rêve livre.
Mais malgré les choses extraordinaires que va vivre Belle , elle doit sans cesse faire attention afin ne pas se trahir, il faut que son secret soit gardé , il ne faut pas que l’on découvre qu’elle n’est pas Belle da Costa Greene et se doit de protéger sa famille .
« Le danger, ce ne sont pas les Blancs et leurs préjugés imbéciles. Ni les noirs, et leur condamnation implicite. Le danger , c’est ma peur. L’ignoble peur qui engendre mes erreurs de jugement et ma lâcheté ! «
Cette situation lui cause ainsi des nuits tourmentées , des nuits d’inquiétudes car même si les blancs peuvent s’y méprendre , les noirs eux se reconnaissent entre eux.
« Une goutte de sang noir, une seule goutte de sang noir dans les veines, fabrique à jamais des « nègres ». C’est l’implacable One-Drop rule, la « règle de la goutte unique », avec son cortège de ségrégations, de discriminations et de persécutions raciales.«
C’est une vie de funambule, une vie de tracas mais une vie que Belle Greene n’aurait échangé pour rien au monde.
« Belle était consciente de la dignité-et des privilèges-que lui conférait son ministère dans ce temple. Elle était bien placée pour savoir que les bibliothèques qu’elle aurait dû fréquenter, les bibliothèques réservées aux Noirs, ne comptaient pas cinquante livres qui s’empilaient dans les sous-sols d’une école, ou dans l’angle d’une pauvre salle de classe réservée aux enfants de couleur.
En tant que Blanche, elle pouvait travailler-étudier-au coeur des collections que léguaient, génération après génération, les anciens élèves qui avaient fait des carrières d’archéologues ou de chercheurs. (…)
En tant que Blanche, elle pouvait assister à des conférences qui la passionnaient sur des sujets aussi vastes que la philosophie ancienne, l’archéologie et la paléographie.
En tant que Blanche, elle appartenait à l’élite, et participait à toute la vie sociale du campus.«
Alexandra Lapierre présente également la famille de notre protagoniste , sa mère ses frères et soeurs avec lesquels elle conclu ce pacte , sa grande mère mais aussi son père avec lequel les sentiments sont ambivalents.
Il représente pour elle l’admiration de part ce qu’il incarne , c’est activiste noir de renom , un avocat défendant les droits et la cause des personnes noires mais il incarne aussi pour elle un « frein » dans la vie qu’elle désire vivre.
C’est d’ailleurs ce que son proche lui reproche son père de ne pas au vu de son ascension sociale de pas s’être servie de sa notoriété pour défendre la cause des minorités.
Les personnages secondaires aussi sont tout aussi intéressants et bien dépeints , l’on découvre le monde intellectuel , le faste des nouveaux riches , son amitié avec Bernhard Benson personnage égoïste et fantasque , trompeur invétéré qui ne quitta jamais sa femme malgré les sentiments qu’il éprouve pour Belle , mais surtout J. P. Morgan agaçant , tyrannique mais brillant .
En définitive je dirai que j’ai apprécié ma lecture car j’ai pu découvrir une femme épatante , fascinante et téméraire , une érudite ou une farfelue selon certains.
« Ce n’est pas parce que je suis bibliothécaire que je dois m’habiller comme une bibliothécaire . »
L’amour des livres est indéniable au sein de ce roman , les amoureux des livres passeront assurément un agréable moment à travers la découverte des collections , des rayonnages fastueux et de la bibliothèque personnelle de J.Morgan.
Ainsi , la Morgan Library cette magnifique bibliothèque est présentée , Belle en est la directrice et réalise à la perfection le rêve de JP Morgan.
Enfin , j’ai pu découvrir un chapitre des États-unis dont j’ignorais l’existence et dont je désire me documenter afin d’en savoir plus , mais aussi la plume d’Alexandra Lapierre dont je continuerai à découvrir de part son sujet de prédilection , les héroïnes féminines .
C’est un livre relatant une vie intense , une vie qui a été choisie , une vie désirée non pas rêvée !
Et vous l’avez-vous lu?
Ma note :
❤️❤️❤️❤️
4/5