Wallace Thurman

Edition la CheminanteHarlem Renaissance

Le drame de sa vie, c’était d’être trop noire

Publié en 1929 , The Blacker the Berry, traduit en français par Plus noire est la mûre est le premier roman de Wallace Thurman, personnalité complexe, controversée et charismatique pour certains, mort de la tuberculose en 1934 à l’âge de 32 ans.
Contrairement à Langston Hughes il fut un critique de la Renaissance d’Harlem mouvement de renouveau de la culture afro-americaine entre 1920 et 1930, dont il jugea qu’elle n’avait pas rempli ses promesses.

Paru en même temps que Passing (Clair Obscur) de la romancière Nella Larsen décrivant le destin tragique d’une femme noire à la peau claire qui se fait passer pour blanche, ce roman au contraire est percutant s’attaque aux préjugés sur la couleur de peau à l’intérieur même de la race au travers de la thématique du colorisme.

En l’espèce Emma Lou Morgan est une jeune femme noire à la peau trop foncée selon elle, sa communauté et selon sa propre famille.


Elle est méprisée et rejetée ne se sentant pas à sa place, à l’âge de dix-huit ans recherchant l’amour, la reconnaissance et désireuse de découvrir autre chose que cette vie si morne elle quitte son Idaho natal et part pour le campus de l’Université de Californie du Sud.

Mais l’herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs?

S’ouvre ainsi à Emma Lou un périple qui la conduira jusqu’à la communauté légendaire de Harlem Renaissance, mais c’est ce périple qui lui permettra d’effectuer avant tout une plongée et une quête d’elle-même.

La malchance d’hériter d’un visage aussi noir que celui de son père, et d’un nez qui, s’il n’était pas tout à fait plat, était aussi distinctement négroïde que ses lèvres trop épaisses.

Mon avis :

Ce roman est saisissant car il dresse le portrait d’une jeune femme qui est méprisée et discriminée aussi bien par les blancs que par les noirs à cause de la couleur de sa peau.
C’est un roman percutant car c’est la construction d’une identité afro-américaine en pleine construction qui tente de de mener ses études et sa vie à bien, mais qui rencontre de nombreux obstacles.

Mais le roman ne se contente pas de dénoncer ces préjugés au sein d’une communauté la traitant de trop noire car sur un ton acerbe et critique Emma Lou victime devient elle-même méprisante vis-à-vis des noirs qui selon elle sont trop vulgaires à l’instar d’Hazel Manson qu’elle qualifie de vulgaire petite négresse du sud.

Elle se comporte ainsi comme une bourgeoise noire qui ne veut fréquenter que les gens de bonne famille, beaux et bien élevés alors qu’ils la méprisent.

Ce qui met en relief le manque de solidarité des afro-américains eux-même qui pensent que plus la couleur de la peau est claire plus l’on se rapproche du stéréotype de l’homme blanc.

C’est la raison pour laquelle l’auteur détaille avec minutie et insistance les traits physiques des personnages, du personnage noir, noir clair, mulâtre , métisse, jaune, marron mais aussi tous les artifices nécessaire à se blanchir la peau tel les crèmes éclaircissantes ou encore l’absorption de gaufrette d’arsenic par exemple.

La société décrite ici apparaît donc comme un jeu de dupes où l’on doit se faire voir sous ses plus beaux atours, mais c’est la description d’une société multiculturelle , l’auteur fournit d’ailleurs une cartographie de Harlem à cette époque au travers de la vie nocturne, des spectacles, de la sexualité , l’on ressent une critique à peine voilée de la Renaissance de Harlem.

Wallace Thurman signe un roman intéressant de part une plume critique et percutante, car encore aujourd’hui ce thème du colorisme est présent au sein des communautés noires du monde entier, tout comme des questionnements sur le racisme et les stéréotypes .

Certes, l’auteur n’a pas mentionnés les difficultés rencontrées par les noirs dans un monde de blancs, mais il s’était préoccupé près de 30 années avant la lutte des droits civiques des noirs parmi leurs semblables et des préjugés de race.

Malheureusement c’est un phénomène connu des noirs et encore aujourd’hui assez ignoré des blancs.

En définitive, j’ai véritablement apprécié l’une des oeuvres les plus lues et les plus controversées lors de sa parution en 1929, car ce récit fut le premier roman à se pencher ouvertement sur le préjugé de couleur parmi les Américains noirs.

Et vous connaissiez-vous ce roman et le mouvement de la Harlem renaissance?

Ma note :

❤️❤️❤️❤️

4/5