Rachid Benzine

Editions Seuil

Rachid Benzine, né le 5 janvier 1971 à Kénitra au Maroc, est un islamologue, politologue et enseignant franco-marocain. Romancier et dramaturge, Rachid Benzine est une des figures importantes de l’islam libéral francophone.

« Ce qui me frappe, c’est sa voix de jeune homme. Hésitante, elle traduit son âge, sa timidité. C’est étrange d’entendre mon père parler d’une vie où nous n’existions pas encore. »

Amine un pianiste à la carrière internationale apprend au téléphone le décès de son père, il interrompt sa tournée pour rentrer à Trappes, sa ville natale.

Les deux hommes n’étaient pas proches, ils s’étaient éloignés à cause des malentendus et à cause des non-dits.Vingt-deux ans que le père et le fils vivaient comme des étrangers.

Après l’enterrement et après que l’appartement soit vidé , il découvre une grosse enveloppe contenant de nombreuses cassettes.
Il y en a une par an, de 1965 à 2006, avec un nom de lieu et une date, il décide d’en écouter une et entend la voix de son père qui s’adresse à son propre père resté au Maroc et qui ne savait pas lire.

Il envoyait lui envoyait ces cassettes pour lui raconter sa vie en France, une vie si différente, avec des moeurs et des coutumes si éloignés des leurs.


Amine découvre alors un narrateur qui lui est inconnu et surtout un homme très différent de celui qui l’a élevé…

Mon avis :

« Parce que les vieux comme ton père ils ont voulu que toutes les souffrances, tout ce qu’ils ont subi s’arrête avec eux. Ils voulaient vous en préserver. Pour que vous soyez libres de réussir votre vie, sans rancœur, sans amertume. »

Ce roman est voyage de mémoire. C’est l’histoire d’un père arrivé en France à dix-neuf ans mais c’est aussi l’histoire des travailleurs immigrés .

C’est la rencontre avec la société française, on découvre le nord de la France, les mines de charbon des Trente Glorieuses, les usines d’Aubervilliers et de Besançon, les maraîchages et les camps de harkis en Camargue .

Le fils découvre les humiliations et les sacrifices subis par ce père au travers de ces cassettes qui ont l’apprend dans ce roman étaient des pratiques courantes pour raconter sa vie à ceux restés ailleurs et ne savaient pas parfois lire.

« Et puis l’humiliation. Mora s’assure que tes paumes témoignent de ton ardeur au travail. Il te fait avancer, reculer, tourner sur toi même. Il te fait ouvrir la bouche, regarde l’état de tes dents. Mora toujours, qui te tâte les biceps, traque les traces de teigne sur ta peau, chasse la maladie des yeux qui pourrait amoindrir ta ferveur au fond d’une mine française. Derniers juges de paix : la toise et la balance. Il fallait peser plus de 55 kilogrammes. Quant à ton gabarit, Mora préférait les tailles moyennes, susceptibles de travailler dans des galeries de moins d’un mètre. »

A priori les histoires de familles ne sont pas mes sujets préférés et pourtant j’ai passé un agréable moment de lecture.

Les émotions sont omniprésentes au sein de ce roman, au travers d’une relation entre un père et un fils qui n’a pas pu évoluer, des secrets inavoués, l’indignation et la révolte.

Ce qui est bouleversant c’est cette voix, celle du père que le fils connaissait à peine et qui résonne tout à coup, celle d’avant, lorsqu’il était un homme et une voix avant de devenir un père taiseux.

Il va découvrir un homme droit, fidèle et solidaire, un ouvrier combatif engagé dans la défense des droits des travailleurs immigrés.
Un père fier, courageux qui s’est sacrifié pour sa famille et qui était très fier de son fils.

Malgré une écriture qui peut sembler sur la réserve , c’est un roman d’une grande tendresse car par-delà la mort, le père et le fils se sont retrouvés.

La paix retrouvée, Amine va mettre des mots sur les silences de son père et la relation entre un père et un fils prend vie par-delà la mort.

Et vous connaissiez-vous ce titre?

Ma note :

4/5

❤️❤️❤️❤️