Yolaine Destremau

Editions Charleston

A la première gifle, il faut partir. Et parfois il est déjà trop tard. C’est ce que j’ai appris, bien après. Mais l’emprise avait planté ses crocs dans la matière gélatineuse de mon cerveau, doucement, presque gentiment, implacable et irrémédiable, et n’allait plus me lâcher. Ainsi que l’amnésie, ou le déni, sa fidèle compagne.

Yolaine Destremau a reçu le prix de l’héroïne engagée 2022 pour « La malentendue » .

L’autrice a été d’abord peintre pendant une dizaine d’années, et a exposé ses œuvres à Paris et en province.

Lectrice dans plusieurs maisons d’édition et traductrice. Aujourd’hui elle se consacre à la littérature et à l’écriture et vit entre la France et l’Italie.
Huit romans ont déja été publiés par Yolaine Destremau, traduits en espagnol, néerlandais ou italien.

Je lis peu de romans abordants les violences conjugales aussi trouver un récit traitant de ce sujet m’a d’emblée intéressé.

Cecilia est une jeune étudiante en droit pétillante, joyeuse et déterminée, sa rencontre avec Abel est un coup de foudre et les deux jeunes gens se marient très vite.


Par la suite lui deviendra banquier et elle deviendra une brillante avocate maniant le verbe à merveille pour convaincre les jurés et la Cour.
Elle sait jouer avec les mots et les silences, elle est réellement à sa place et aime son métier.

Mais force alors qu’au niveau professionnel tout se passe pour le mieux au niveau personnel le couple qu’elle forme avec Abel s’isole un peu plus chaque jour.

Les amis jadis nombreux disparaissent et Cécilia doit faire afec aux remarques désobligeantes d’Abel à son encontre, à ses réactions disproportionnées et à de nombreuses disputes, alors comme une femme amoureuse elle nie l’évidence.


Jusqu’au jour où survient la première gifle mais comme d’habitude Cecilia minimise la situation car elle croit aux promesses de son époux alors que la situation s’aggrave.

De plus, même la maternité n’arrange pas les choses et l’emprise d’Abel s’intensifie …

Cecilia oscille entre deux portraits, celui d’une femme forte et ambitieuse à la cour et celui d’une femme soumise et brutalisée à la maison.

Comment échapper à ces actes de violences omniprésents au sein du foyer et quand Cecilia prendra-t-elle conscience qu’il faut que ça s’arrête?

D’autant plus que l’inconnue croisée dans le café et le nouveau client qu’elle doit défendre semblent tous deux comprendre ce qu’elle ne dit pas…

Mon avis :

  Il y avait encore ces brefs moments heureux. Maintenant je sais, c’était juste l’emprise qui grignotait la matière. Et elle se régalait. De temps à autre elle se calmait, m’octroyant un peu de répit, puis elle reprenait son travail de coléoptère, déposant ses larves et ses œufs dans les moindres sillons de mon cortex. »

Je m’arrête à côté d’un pin, avec sa plaie au flanc, qui pleure ses larmes de résine. Il verse sa sève, tel un soldat blessé. J’appuie mon front à l’écorce rugueuse. Entre frères d’armes. 

Cette lecture est une prenante et forte car elle est riche en émotions car elle aborde la question des violences conjugales.
Il est vrai que le texte est court mais il est saisissant et cette lecture était réellement un « page turner ».


Le sujet des violences conjugales est actuel car les féminicides sont de plus en plus considérés dans la société alors que ceux-ci étaient banalisés autrefois.

Actuellement nous sommes au 02 août 2023, à 75 féminicides depuis le début de l’année.

En l’espèce, nous sommes réellement en immersion et on à l’impression que tout se déroule sous nos yeux, l’écriture de l’autrice y est pour beaucoup car elle est percutante.

L’autrice a su montrer avec finesse le chemin de Cécilia pour accepter sa condition de femme battue et sous emprise d’un homme violent.
Ce n’est pas pour autant une héroïne lâche elle essaie au mieux de s’en sortir quand elle prend conscience de la situation dramatique qu’elle traverse depuis des années.
En effet, ce processus paraît long mais se libérer d’une relation excessive et toxique demande du temps.

Cette lecture permet de se rendre compte encore plus de la situation de ces femmes qui ne sont ni lâches , ni passives, ni bêtes mais juste amoureuses, car on a tendance oublier que le début de ces relation est communes, bien souvent c’est une histoire de sentiments partagés.

Cécilia n’est pas une femme inculte elle est cultivée et pourtant elle vit un cauchemar alors qu’elle vient d’un milieu aisée, ce qui revient à dire que ces drames touchent toutes les classes sociales et on a tendance à l’oublier .


La violence conjugale n’a ni de couleur et de classe sociale, c’est pour cela que j’ai apprécié ce choix de l’autrice car la vérité est souvent ailleurs.

Cette lecture est nécessaire et réaliste quant au thème traité c’est la raison pour laquelle je la conseille ardemment.

Ma note :

4,5 / 5

❤️❤️❤️❤️,❤️