Mirbeau

Roman classique

Edition Folio classique

Ce journal est celui de Célestine femme de chambre en Normandie.

Elle accepte cette place afin d’avoir d’autres perspectives , elle veut échapper aux folies parisiennes.

Je n’ai pas encore écrit une seule fois le nom de mes maitres. Ils s’appellent d’un nom ridicule et comique: Lanlaire… Monsieur et Madame Lanlaire…
Monsieur et Madame va-t’faire Lanlaire!…

De ce premier contact avec mes nouveaux maîtres je n’ai pu recueillir des indications précises et formelles… Mais j’ai senti que le ménage ne va pas, que Monsieur n’est rien dans la maison, que c’est Madame qui est tout, que Monsieur tremble devant Madame, comme un petit enfant… Ah ! il ne doit pas rire tous les jours, le pauvre homme… Sûrement, il en voit, en entend, en subit de toutes les sortes… J’imagine que j’aurai, parfois, du bon temps à être là…
Au dessert, Madame, qui durant le repas n’avait cessé de renifler mes mains, mes bras, mon corsage, a dit d’une voix nette et tranchante :
– Je n’aime pas qu’on se mette des parfums…
Comme je ne répondais pas, faisant semblant d’ignorer que cette phrase s’adressât à moi :
– Vous entendez, Célestine ?
– Bien, Madame.
Alors, j’ai regardé, à la dérobée, le pauvre Monsieur qui les aime, lui, les parfums, ou du moins qui aime mon parfum.
Les deux coudes sur la table, indifférent en apparence, mais, dans le fond, humilié et navré, il suivait le vol d’une guêpe attardée au-dessus d’une assiette de fruits… Et c’était maintenant un silence morne dans cette salle à manger que le crépuscule venait d’envahir, et quelque chose d’inexprimablement triste, quelque chose d’indiciblement pesant tombait du plafond sur ces deux êtres, dont je me demande vraiment à quoi ils servent et ce qu’ils font sur la terre.


Celestine est une jeune de femme en province, de part sa condition sociale Mirbeau peut dresser une galerie de portraits , c’est une satire des moeurs de la Belle Époque.

Il critique la bourgeoisie au travers du Journal de Célestine où l’on se rend compte du comportement cruel , mesquin et dérangeant de certains employeurs.
Elle décrit des personnes vicieuses , menteuses , voir même malsaine car elle a vécu au plus près d’eux et a appris leurs moeurs et coutumes.

En outre, Mirbeau dépeint en Célestine une jeune femme libre, qui n’a pas peur de parler de ses expériences avec les hommes , les bonnes à cette époque servaient d’exuctoires au hommes insatisfaits de leurs épouses parfois.

Attentive et observatrice, elle montre la face sombre de cette société , on apprend tellement de choses qu’on ne peut plus les jalouser.
Car elle a une haute expérience en l’être humain de part les différents postes qu’elle a occupé.

Mirbeau , a mis en exergue une femme qui a confiance en elle, elle peut paraitre arrogante par moment mais elle est attachante.

Ce récit a aussi une belle part d’humour , car malgré le fait que ce soit le journal d’une femme de chambre le ton est juste et pas simplet.
Mais c’est avant tout une jeune femme déterminée , ambitieuse et forte qui se rend compte de la médiocrité de ses employeurs qui vient dans un monde d’apparat.

J’en ai eu une qui avait un drôle de truc… Tous les matins, avant de passer sa chemise, tous les soirs, après l’avoir retirée, elle restait nue, à s’examiner des quarts d’heure, minutieusement, devant la psyché… Puis, elle tendait sa poitrine en avant, se renversait la nuque en arrière, levait d’un mouvement brusque ses bras en l’air, de façon que ses seins qui pendaient, pauvres loques de chair, remontassent un peu… Et elle me disait :
– Célestine… regardez donc !… N’est-ce pas qu’ils sont encore fermes ?
C’était à pouffer… D’autant que le corps de Madame… oh ! quelle ruine lamentable !… Quand, de la chemise tombée, il sortait débarrassé de ses blindages et de ses soutiens, on eût dit qu’il allait se répandre sur le tapis en liquide visqueux… Le ventre, la croupe, les seins, des outres dégonflées, des poches qui se vidaient et dont il ne restait plus que des plis gras et flottants… Ses fesses avaient l’inconsistance molle, la surface trouée des vieilles éponges…

Mirbeau a réalisé un chef-d’œuvre en mettant en scène ce journal intime afin de dénoncer les choses qui lui tiennent à coeur , c’est un anarchiste dans ses romans.

Cependant, la scène finale assez drole car où Célestine, devenue riche à son tour, devient ce qu’elle a dénoncé.
Mirbeau effectue donc une critique des domestiques, qui deviendront à leur tour de « nouveaux riches ».

C’est un livre à découvrir sans hésiter, ce fût un coup de coeur le ton est acerbe, les descriptions sont très bien effectuées un seul conseil foncez!

Car c’est un roman très bien écrit , intelligent , passionnant , de même la psychologie féminine mise en exergue par un homme est réussie car il est d’une minutie extrême .

Ma note :

❤️❤️❤️❤️❤️

5/5