Gayl Jones

Editions Dalva

Gayl Jones est une écrivaine afro-américaine de Lexington, dans le Kentucky. Repérée par Toni Morrison celle-ci devient son éditrice et publie son premier roman Corregidora en 1975 , grâce a cette publication elle est acclamée par le monde des lettres américain , c’est désormais un classique de la littérature américaine étudié par les élèves .

Corregidora le premier roman de Gayl Jones paraît en France plus de quarante ans après sa sortie intriguée je me suis laissée tenter , ai-je bien fait?

Ursa Corregidora est une jeune femme noire de vingt-cinq ans chanteuse de blues mariée à Mutt , talentueuse elle est cependant victime des violences de son époux qui est fou de jalousie , jusqu’au jour où elle subie la colère de trop , elle tombe et perd l’enfant qu’elle attendait .
Ursa ne pourra plus avoir d’enfant c’est le diagnostic qui tombe suite à son opération

Dès lors la question de la transmission se pose, Ursa ne pourra pas raconter histoires qui la hantent, les récits transmis de génération en génération.

Des histoires de femmes , de filles mais aussi l’histoire de l’homme de la famille celui par lequel tout a commencé Corregidora planteur portugais , propriétaire d’esclaves au Brésil, qui a engendré sa grand-mère et sa mère et qui les faisaient travailler dans les champs tout en les prostituant…


Au sein de cette famille la procréation est importante car il faut raconter ces histoires mais Ursa en est incapable après sa chute son utérus lui est enlevé , elle est incapable de perpétuer la tradition que faire de son héritage?

Alors même si Ursa ne peut plus procréer sera-t-elle la voix , la voix par le chant , la voix qui perpétue la tradition ou simplement trouvera-t-il un apaisement ?


Car rien arrive par hasard , cet accident ne serait-ce pas la fin de cette lignée de femmes hantées par cette vie d’abus?


Mon avis :

Divers auteurs ont partagé leurs avis concernant l’autrice aussi selon Toni Morrison :« Personne, plus jamais, n’écrira de la même façon sur les femmes noires après ce roman »  ;  De même selon James Baldwin « Corregidora est le portrait le plus brutalement honnête de ce qui a animé, et anime encore, l’âme des hommes et des femmes noirs » ; Puis selon Maya Angelou « Gayl Jones a créé un conte aussi américain que le mont Rushmore et aussi trouble que les marais de Floride » .

J’ai été curieuse de découvrir ce livre qui est publié après toute ces années en France car la littérature afro américaine est empreinte de poésie , de réalisme et de luttes.

A l’instar de Toni Morrison ou d’Alice Walker l’autrice met en relief les thèmes du corps , de la sexualité, de la violences entre les hommes et les femmes , mais aussi la relation entre le passé et présent car irrémédiablement le passé influe sur le présent.
Ursa n’échappe pas à la règle, la transmission , l’héritage exclavagiste coule dans ses veines de part l’inceste présent au sein de sa famille.

Ursa est traumatisée tout comme ses ancêtres mais dès le début l’autrice marque un point final car elle ne pourra pas infanter , qu’en sera-t-il de la transmission?

Alors elle se libérera elle par le blues au sein duquel elle exprimera ses peines, ses peurs, ses désirs .

L’écriture de l’autrice est fluide , l’on ressent les émotions de l’héroïne qui cherche un moyen de sortir de cet engrenage familial .

A la fin du roman L’autrice choisit de la libérer , mais est-ce réellement une libération car c’est dans les bras de son ex mari qu’Ursa rompt avec les traditions familiales , elle s’éveille enfin à la sensualité , elle se réconcilie avec les hommes et accepte les douleurs du passé.

La fin de ce roman m’a surprise dans la mesure où Ursa retourne auprès de son ex époux cependant il m’a semblé que pour l’autrice il s’agissait d’une libération finale face aux hommes , à la sensualité , au corps et à la sexualité .
Car il est vrai que le corps des femmes de cette famille ne leur appartenaient pas de part l’inceste , les viols et la prostitution et l’esclavage certes elle se tourne vers cet homme violent mais c’est sa volonté , la preuve en est par la fellation qu’elle lui fait et ce pour la première fois alors qu’elle n’avait jamais accepté auparavant.

En une fraction de seconde, j’ai compris de quoi il s’agissait, en une fraction de seconde durant laquelle se sont mêlés haine et amour j’ai compris et je crois qu’il a compris aussi. L’union du plaisir et d’une douleur inexprimable, cet instant où l’on transperce la peau mais où il y a encore de la sexualité, cet instant qui précède de peu l’absence de sexualité, qui s’arrête juste avant la peau que l’on transperce : « Je pourrais te tuer » […]. Il a joui. J’ai avalé. […] Il m’a serrée jusqu’à ce que je lui tombe dans les bras en larmes. […] Il m’a serrée très fort

En définitive cette lecture n’est pas un coup de coeur mais j’ai véritablement apprécié ma lecture car l’autrice a su mettre en exergue des thèmes forts et poignants.
Cependant attention aux âmes sensibles tout comme les romans de Toni Morrison les violences verbales et sexuelles y est présente.


Mais comment expliqué une histoire , la destruction des corps , des identités provoqué par l’exclavage sans passé par ces exemples difficiles?


C’est une lecture nécessaire assurément je continuerai ma découverte de cette auteure digne héritière de Toni Morrison et de Zora Neale Hurston.

Et vous connaissez-vous cette autrice?

Ma note :

❤️❤️❤️

3/5