Marguerite Duras
Les Editions de Minuit
L’Amant publié en 1984, est un titre phare de l’oeuvre de Marguerite Duras, véritable succès en librairie le livre a été traduit en 35 langues et s’est vendu à près de 2 millions d’exemplaires.
Il valut notamment à son auteur le prix Goncourt la même année, largement autobiographique l’autrice puise ses sources dans sa jeunesse indochinoise.
L’héroïne âgée de quinze ans est pensionnaire au sein d’un lycée français de Saïgon elle dispose ainsi d’une certaine autonomie car au sein de sa famille les choses ne sont pas toujours simples.
En effet, sa mère est très distante, son frère aîné Pierre est violent et est adoré par sa mère alors que son second frère Paul est un garçon fragile et doux.
Un jour alors qu’ elle s’apprêtait à prendre le bac sur le fleuve Mékong pour rejoindre sa mère et ses frères. Sur le débarcadère, elle aperçoit un jeune chinois très élégant se trouvant dans une limousine noire qui l’observe avec intérêt.
Les jeunes gens font connaissance et le jeune homme lui propose de la ramener à Saigon elle accepte sans refus particulier.
Aussi, à partir de ce moment, l’adolescente est véhiculée du lycée à sa pension dans la limousine avec chauffeur et est conduite dans les lieux les plus élégants de la ville avec le jeune homme.
Éperdument amoureux ils deviennent amants alors qu’il a plus de dix ans de plus que l’héroïne ….
Que je vous dise encore, j’ai quinze ans et demi. C’est le passage d’un bac sur le Mékong. Sur le bac, à côté du car, il y a une grande limousine noire avec un chauffeur en livrée de coton blanc. Oui, c’est la grande auto funèbre de mes livres. C’est la Morris Léon-Bollée. Dans la limousine il y a un homme très élégant qui me regarde. Ce n’est pas un Blanc. Il est vêtu à l’européenne, il porte le costume de tussor clair des banquiers de Saïgon. Il me regarde. J’ai déjà l’habitude qu’on me regarde. On regarde les Blanches aux colonies, et les petites filles blanches de douze ans aussi. L’homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il regarde la jeune fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or. Il vient vers elle lentement. C’est visible, il est intimidé. Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d’abord il lui offre une cigarette.
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Mon avis :
Ce livre raconte à la fois une période de l’enfance de Marguerite Duras et son éveil à la sensualité.
C’est peut-être la raison pour laquelle l’autrice fait le choix de ne jamais mentionné le nom de son amant, il est présent pour répondre au mieux aux intérêts de l’histoire. Aussi, il appartient au lecteur de se demander si il s’agit bel et bien d’une relation amoureuse car dès le départ la position sociale est omniprésente.
Elle est blanche et pauvre et lui est chinois et riche, de plus elle accepte la relation physique non par désir mais par esprit de liberté.
Mais tel est pris qu’il croyait prendre car l’amour prendra le pas sur l’argent et elle finira par tomber amoureuse de son amant.
Cependant, c’est une relation ambiguë car l’amant la traite à la fois comme une femme et à la fois comme une enfant.
En outre, c’est aussi un livre provocant car d’une part l’autrice veut se démarquer de la bienséance, l’héroïne n’est pas une jeune fille répondant aux dictats de la société ses tenues sont aguichantes par exemple et c’est d’ailleurs ce qui attire le jeune homme. D’autre part elle entame cette relation libre qui fait tomber les tabous sexuelles de la société française en Indochine.
Mais malheureusement , en ce début de XX ème siècle les coutumes et les traditions sont omniprésentes, divers obstacles s’amoncellent , d’abord d’origine sociales car la famille de la jeune fille ainsi que le père de l’amant s’oppose à cette relation celui-ci allant jusqu’à organiser le mariage de son fils avec une riche chinoise.
Puis, il y a un obstacle racial, comment les asiatiques et les européens partage-t-il leur environnement dans l’Indochine du début du XXe siècle?
Les couples mixtes sont-ils tolérés?
A priori non, car deux mondes s’opposent, les européens vivent repliés sur eux-mêmes dans les villes indochinoises ce qui traduit le refus de se mêler à la population locale, d’ailleurs ce manque de tolérance est mis en évidence dans le récit.
Enfin, s’agissant du style de l’auteur le texte est rédigé à la troisième personne et est rarement écrit à la première personne ce qui peut paraître étrange car c’est un récit largement autobiographique , on a l’impression que l’auteur veut mettre une distance entre la jeune fille et l’écrivain.
Alors on se demande où se trouve la part de fiction et la part de réalité?
Ce qui entraîne un certain flou volontaire de la part de l’autrice car ce sont les souvenirs d’une enfance tourmentée au sein d’une famille où les relations entre les membres sont compliqués et d’autre part la découverte précoce de la sexualité dans l’Indochine des années 30.
Malgré tout le roman raconte aussi l’avènement du désir d’écrire de l’auteure qui malgré tous ces obstacles n’a jamais caché son désir de devenir écrivain.
Quelquefois, c’était à Vinhlong, quand ma mère était triste, elle faisait atteler le tilbury et on allait dans la campagne voir la nuit de la saison sèche. J’ai eu cette chance, pour ces nuits, cette mère. La lumière tombait du ciel dans des cataractes de pure transparence, dans des trombes de silence et d’immobilité. L’air était bleu, on le prenait dans la main. Bleu.
En définitive , l’Amant est le roman d’une enfance, roman d’un pays colonisé, roman initiatique, roman d’une passion amoureuse, roman familial, roman social, roman traduisant la naissance d’une écrivaine, roman du souvenir c’est tout cela et bien plus encore.
C’est un aussi un récit subversif, qui bouscule les différences, celles de l’âge , celles de l’origine et celles des classes sociales, dès lors il peut être lu a tous les âges de la vie car en ressortiront des émotions différentes de part les expériences diverses des lecteurs.
J’ai apprécié ma lecture car assurément la plume de Duras ne laisse pas indifférent et vous avez-vous lu ce roman?
Ma note :
3,5 / 5
❤️❤️❤️,❤️