Shirley Jackson
Editions Rivages noirs
Hangsaman est le deuxième roman de Shirley Jackson l’autrice est connue notamment pour ses romans comme nous avons toujours vécu au château , la maison hantée ou la loterie.
Je n’avais jamais lu de roman de l’auteur mais j’ai décidé de commencer par celui dont je n’avais jamais entendu parler et à juste titre car il s’agit de sa première traduction française .
Ce titre paraît en 1951, l’accueil fut assez mitigé car c’est une lecture assez complexe, entre le roman d’adolescence, le roman gothique, le roman à suspense , au sein duquel le lecteur jongle entre la fiction et la réalité.
En outre, il semblerait que Shirley Jackson s’est inspiré d’un fait divers pour l’écriture de ce récit , en effet il s’agirait de la disparition en 1946 d’une étudiante Paula Jean Welden qui se rendait sur la route de randonnée Long Trail du Vermont.
En l’espèce, Nathalie Waite est une jeune fille âgée de dix-sept ans qui vit dans le Vermont avec sa famille, son père est un critique littéraire condescendant et autoritaire qui espère que sa fille suivra sa voie en l’encourageant notamment par la correction quotidienne de son journal intime.
Mr. Arnold Waite – mari, père, homme de parole – se renversait toujours contre le dossier de sa chaise après sa deuxième tasse de café au petit déjeuner et considérait sa femme et ses deux enfants d’un air incrédule. Sa chaise était placée de telle sorte que, lorsqu’il inclinait la tête en arrière, la lumière du soleil, été comme hiver, éclairait ses cheveux qui ne vieillissaient pas d’une lueur à la fois angélique et indifférente – indifférente car, à l’instar de Mr. Waite, cette lumière n’estimait pas indispensable de nourrir une quelconque croyance pour continuer son existence. Quand Mr. Waite tournait la tête pour regarder sa femme et ses enfants, la lumière se déplaçait avec lui et jetait des motifs fragmentés sur la table et le plancher.
Sa mère quant à elle est une femme effacée qui a du mal a trouver sa place au sein du couple , car sa vie est régie par un époux tyrannique ainsi elle ne désire surtout pas que sa fille soit assujettie à la même existence qu’elle.
Sois heureuse en mariage, mon enfant. Débrouille-toi pour que ton mari ne sache jamais ce que tu penses ou ce que tu fais, là est le secret.
La cuisine était en fait le seul endroit de la maison entièrement dévolu à Mrs. Waite ; même sa chambre ne lui appartenait pas, puisque son mari, magnanime, insistait pour la partager avec elle. Il partageait aussi la table du dîner et la radio que l’on écoutait au salon, il s’octroyait le privilège de s’asseoir sur la véranda et de prendre des bains.
Enfin son frère Bud n’est pas réellement décrit , ni même présent au sein du roman et le lecteur a du mal à s’attacher à ce personnage .
De plus , en filigrane dès le début du récit l’on apprend qu’un évènement s’est passé au cours d’un cocktail organisé chez les parents de Nathalie mais le lecteur n’en sait pas plus et se trouve désarçonné car la protagoniste elle-même désire oublié cet épisode qui semble marquant.
Le lecteur est destabilisé car des éléments semblent montrer que Nathalie aurait eu à répondre à un interrogatoire tenu par un inspecteur , mais ce fait s’est-il réellement passé ou est-ce le fruit de l’imagination de la jeune fille?
Puis, il y a un nouveau rebondissement au sein de la lecture c’est le grand départ de Nathalie qui doit faire son entrée à l’université choisie par son père.
Mais les débuts dans ce nouveau monde ne sont pas faciles car Nathalie est une jeune fille craintive qui manque de confiance en elle, alors se faire une place dans cette université composée uniquement de filles ne lui semble pas évident , car il y a tant de superficialité , de conversations ternes et vides de sens.
Évidemment, dans toute université qui s’appuie sur l’idée que l’éducation est une expérience, on ne peut éviter une certaine confusion avant de mettre en place un quelconque enseignement. L’étudiante doit-elle être libre, par exemple ? Le professeur doit-il être libre ? Ou bien le concept de liberté, en tant qu’idéal éducatif, doit-il être abandonné au profit de celui d’utilité ? Les étudiantes devraient-elles avoir accès à des sciences sentimentales telles que le grec ? Ou la géométrie ? Devrait-il y avoir un cours sur le mariage ? Quelle devrait être la position précise de l’université quant à un psychanalyste résident ?
Mais par ailleurs Nathalie se sent libre , bien que la chambre qu’elle occupe soit modeste, il s’agit de son espace , elle peut ainsi y installer sa multitude de livres afin de lutter contre la solitude et contre la bêtise humaine qu’elle déteste tant.
Jusqu’au jour où elle fait la connaissance de deux étudiantes plus âgées qui veulent l’accueillir au sein de leur clan mais pour quelle raison , elle la fille si simple, sans histoire et sans amis?
Mais c’est surtout l’accueille que lui fait son professeur de littérature marié à une jeune femme à peine plus âgée que Nathalie , une ancienne élève devenue alcoolique qui peut prêter à interrogation, mais pourquoi cet intérêt certain?
Mais elle ne semble pas se satisfaire de ces diverses interactions …
Tout au long du roman nous sommes déstabilisés , car on se demande quelle est la part de réel et de vérité dans ce récit.
De même , le récit à la troisième personne et les dialogues intérieurs de Nathalie brouillent les pistes et le lecteur peut paraitre perdu au fil des pages et on sent que quelque chose de grave va ou est arrivé.
En définitive c’est un livre déroutant, l’auteure explore le passage de l’adolescence à l’âge adulte , il est aussi déroutant car l’auteure nous plonge dans le monde et les pensées de Nathalie, car en effet c’est un femme fille introvertie, mais qui a une vie intérieure riche c’est en cela que c’est un roman brillant car Shirley Jackson crée une tension au fil des pages, nous destabilise et nous effraie par moment.
Au final je reste sans réponses à mes questions, nous restons avec nos interrogations ce qui m’a un peu déçue, car c’est je reste sur ma faim c’est véritablement un roman déstabilisant.
Des thèmes néanmoins sont mis en relief comme premièrement la place de la femme au travers de la jeune femme qu’est Nathalie, de l’épouse au travers de sa mère et de la femme du professeur ; comme deuxièmement la vie hors de la cellule familiale et enfin le thème de l’agression sexuelle qui peut être occulté par la mémoire quitte à se créer de nouveaux souvenirs ou ressentis.
Ce roman a un gout d’inachevé pour moi, c’est pour cela que ce n’est pas un coup de coeur j’en ressors encore avec des interrogations, néanmoins j’aimerai découvrir plus de titres de Shirley Jackson .
Ma note:
❤️❤️❤️
3/5